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Composition
en blanc
1987
Matériaux et médiums mixtes
Mixed media
61 x 51 x 6,5 cm |
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L'automne
1969-1970
Huile sur panneau
Oil on panel
51 x 61 cm |
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Composition
1998
Matériaux et médiums mixtes
Mixed media
122 x 91,5 cm |
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Sans-titre
1998
Médiums mixtes
Mixed media
76 x 61 cm |
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Montage
avec «T»
1984-1985
Matériaux et médiums mixtes
Mixed media
51 x 41 x 4 cm |
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Le corps éventré, quand il se fait
chair débordante (Composition no 1,
1979-1980), laisse apparaître un grouillement
biomorphique, cellulaire, une vitalité organique
aux élans spasmatiques. Enveloppe échancrée,
manteau ouvert, aux contours retenus par des cordes
pour mieux en cerner, en contenir l’évidement
possible. A la limite de l’ordre et du chaos.
Alors, si «la déchirure faite n’est
plus à refaire» ( 1),
les toiles, peaux, tissus bordés de fils, appellent la tentation
de la suture pour réparer, faire tenir ensemble, recoudre ce qui
est déchiré. Mais cet appel se transforme bientôt
en l’étalement et l’enveloppement du corps absent,
déposé sous le linceul, peu importe qu’il soit fait
de blancheur ou d’obscurité (Composition
en blanc, 1987).
Traversant ces faires polymorphes, le peintre Joseph
Giunta met en évidence le sentiment d’Einfühlung,
éprouvé comme besoin d’auto-activité ou de
dessaisissement de soi, en projetant tout son être
intérieur, de façon à produire une scène au
sentiment vital ( 2).
Ce vouloir artistique,
animé d’une dynamique vitaliste, se lirait en effet, dans
la trajectoire de Giunta, de ses débuts à
aujourd’hui. On pourrait ainsi percevoir, selon un point de vue
rétrospectif, les transformations de l’oeuvre
s’effectuant, sans doute, par une progressive affirmation du
mouvement vers «la chose en soi», vers une «claire
individualité matérielle», en délaissant
dans la même progression le modèle dans sa
phénoménalité, modèle de la nature, son
subjectivisme et l’arbitraire de l’apparaître. Aussi,
dans cette alternance de l’expression du sentiment vital, du
«jeu d’alternance cosmique des
phénomènes» et de la tendance à
l’abstraction, Giunta se libère peu à peu de
l’emprise de l’espace atmosphérique (scènes,
paysages), de la phénoménalité subjective, pour
tendre vers la contruction, l’individuation du fait plastique
objectif. Worringer ne voyait-il pas dans l’impulsion artistique
originaire, «en quête de la pure abstraction», la
«seule possibilité de repos à
l’intérieur de la confusion et de l’obscurité
de l’image du monde» ( 3)?
Jeu d’alternance encore entre le chromatisme et la valeur,
où l’oeuvre se déploie, d’un
côté, par chatoiement, à l’image du monde
bariolé, selon une dimension orgiaque de la couleur (Fleurs,
1968), et dans ses effusions lyriques (L’automne,
1969-1970). D’un autre côté, une échelle de
gris passant entre les pôles du blanc et du noir, du clair
à l’obscur, dans une incessante oscillation. Cette
échelle de variation des gris, entre clarté et
obscurité, indique peut-être un moment de stase, de
ralentissement des affects, en une sorte de point neutre situé
aux confins du plaisir et du deuil, du désir et du renoncement,
lieu d’attente entre deux portes que le peintre n’ose pas
ouvrir. Dans le registre des gris s’introduisent des reliefs de
vieilles pierres, murs antiques, des figures effacées par le
temps, vertiges/vestiges, dont il ne resterait que des approximations.
Sortes de talismans, signes cabalistiques, invitant la magie,
camouflant le secret, la temporalité, l’évanescence
de toute chose (Composition
no 1/85, 1985; Composition, 1998).
Répondant aux spasmes du corps en émoi,
des territoires ébranlés se devinent
sur les tableaux (Peinture sur relief, 1989),
déplaçant leurs plaques tectoniques,
leurs secousses sismiques, comme autant d’effondrements
marqués de drapeaux muets (Sans titre,
1998). Des plages morcellées, une sédimentation
des couches superposées qui glissent couchées,
mais pourtant sans repos, animées de mouvements
oscillatoires, vibrations pourtant envahies de lenteur
(Noir et blanc, 1985-1986; Montage avec
“T”, 1984-1985). Les monuments du
corps terrestre frémissant sur la toile-écorce,
épaissie de matière glauque ou livide,
activent des intensités, des vitesses, des
densités. Dans l’alternance des pôles,
toujours recommencée, on y voit parfois un
trou noir, lac noir du deuil et de l’anéantissement,
profondeur qui hante la surface, tel un destin funeste
(Ocre, rouge et noir, 1971), sorte de miroir
d’une obscurité stagnante. On y sent,
ça et là, dans le jeux de surface
et de profondeur, l’attachement au support
du tableau, mais en même temps un désir
effréné de s’en décoller,
de se soulever, de gagner en épaisseur et
en relief. Échapper ainsi à la pure
visibilité pour pénétrer dans
le champ du corporel et du tangible.
Un autre passage s’accomplit bientôt,
partant des plans et stratifications de la surface
du tableau vers des constructions, où le
peintre aménage des espaces d’accueil
aux choses les plus hétéroclites.
Ces constructions, travaillant leurs coulées
particulières qui leur servent de liant,
et leur manière de fondre ensemble les éléments
épars, par soulèvements de matières,
bordures, plis, paradoxalement, les rendent spatialement
inséparables et plastiquement solidaires.
Le besoin de relier les cellules closes, isolées
les unes des autres (Montage sur fond vert,
1979), devient impératif. Besoin de lier
entre elles autant de nidations, distribuées
séparément sur la surface de la toile
et de pratiquer ainsi les raccords visuels et plastiques
au sein du morcellement. Une tentative pour raccorder
ce qui est désaccordé, mesurer cette
distance de l’éparpillement des corps
distendus, soient-ils vides ou se vidant sur la
surface, parfois aussi mince qu’une fine couche
de papier.
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Composition no
1
1979 - 1980
Matériaux et médiums
mixtes
Mixed media
122 x 91,5 x 8,5 cm
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Fleurs
1968
Huile sur panneau
Oil on panel
61 x 46 cm
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Composition no
1/85
1985
Matériaux et médiums
mixtes
Mixed media
51 x 101,5 cm
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Peinture sur relief
1989
Matériaux et médiums
mixtes
Mixed media
41 x 51 cm
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Ocre, rouge et
noir
1971
Matériaux et médiums
mixtes
Mixed media
51 x 40,5 x 1 cm
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Montage sur fond
vert
1979
Matériaux et médiums
mixtes
Mixed media
30,5 x 40,5 x 4 cm
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